Focus Santé
11 février 2018
Depuis une dizaine d’années, la détection du cancer de la prostate par l’IRM (imagerie par résonance magnétique) est devenue beaucoup plus performante, grâce à l’acquisition d’images plus précises.
L’IRM de diffusion s’est imposée en démontrant sa fiabilité pour localiser les foyers tumoraux du cancer (1). Les données de l’examen peuvent désormais être utilisées pour guider la biopsie d’une lésion suspecte. Il est donc désormais possible d’appliquer à la prostate le principe général de l’oncologie, valable pour tous les organes du corps : d’abord localiser la cible, puis guider le prélèvement par imagerie.
Les progrès de l’IRM
Le service d’imagerie de la clinique de l’Alma s’est doté d’une IRM à 1,5 Tesla de très haut de gamme, grâce à l’adjonction d’hypergradients à l’intérieur de l’aimant et d’une antenne réceptrice comportant 60 éléments.
Cette configuration technologique de pointe produit des images de haute résolution et une puissance de signal élevée pour l’IRM de diffusion, donnant une qualité d’image qui se rapproche de celle des aimants de 3 Tesla.
Elle permet également, et pour la première fois, de s’affranchir de l’antenne endorectale qui, si elle conserve une qualité d’image inégalée, est source d’un inconfort qui, même s’il reste modéré, est ressenti par la majorité des patients.
Un score IRM pour classer la présomption de malignité pour une lésion détectée
La progression de la qualité de l’IRM a conduit à l’élaboration d’un score diagnostique, sur une échelle de 1 à 5 (score PI-RADS) pour déterminer la présomption de cancer (2). Les scores 1 et 2 correspondent à l’absence d’anomalie focale et sont considérés comme bénins. Les scores 3 à 5 concernent les anomalies focales détectées sur les images de diffusion. La présomption de cancer est de 90% pour un score 5.
Les avantages de l’IRM pour la biopsie écho-guidée
Une biopsie échoguidée fondée sur les données d’une IRM améliore de façon spectaculaire la performance du guidage échographique en incorporant les images IRM pendant l’échographie (3).
L’incorporation la plus simple de l’IRM peut se faire visuellement. En effet, environ 80% des lésions IRM score PI-RADS 4 ou 5 de la partie postérieure de la prostate sont détectables à l’échographie (3) par un opérateur entrainé. Avec un équipement de qualité, l’échographie réalisée après l’IRM procure un taux de détection optimal. La biopsie est ciblée dans la lésion détectée à l’échographie grâce à l’IRM.
Si la lésion n’est pas visible à l’échographie, les volumes IRM et échographique sont superposés (ou fusionnés) par un logiciel approprié (figure 2). La cible IRM est reportée sur l’échographie et la biopsie est guidée par le recalage d’images. Ce recalage, basé sur un calcul informatique, donne une précision acceptable de 3-4 mm en moyenne par rapport à la cible, l’erreur de recalage pouvant cependant atteindre 5 mm ou plus dans 25% des cas (4).
Figure 2 – Biopsie avec fusion d’images – La lésion suspecte (flèche), non visible à l’échographie a été propagée sur l’échographie (cercle jaune, dessiné sur l’IRM). Les biopsies ont été guidées par échographie dans la cible. Tumeur antérieure, score de Gleason 4+3 sur les biopsies et sur la pièce de prostatectomie radicale (petites flèches blanches)
Par rapport aux 10-12 biopsies systématiques réparties dans la partie postérieure de la prostate, la biopsie écho-guidée, ciblée par l’IRM, a deux avantages : elle limite le nombre de prélèvements à trois (baisse de la morbidité) et permet le diagnostic des cancers agressifs, en évitant de détecter les micro-cancers indolents (5).
La biopsie sous guidage IRM temps réel avec assistance robotique
La performance de la biopsie échoguidée avec fusion d’image diminue quand la lésion devient profonde et quand elle est de petite taille. Dans ces cas difficiles, guider la biopsie directement sous IRM est devenu une alternative séduisante (figure 3) car on utilise le même moyen d’imagerie pour sélectionner la lésion et guider l’aiguille (6). On s’affranchit ainsi des erreurs de recalage inhérentes à la fusion d’images.
Figure 3 – Biopsie guidée par IRM avec assistance robotique – Cancer antérieur (flèche) manqué par des biopsies avec fusion d’images. Le robot, placé entre les jambes du patient pendant la biopsie, aligne le trajet du guide et de la cible. Le prélèvement est fait par le médecin : cancer score de Gleason 3+4 sur les deux prélèvements.
L’assistance robotique simplifie considérablement le geste. Le robot est en matériau IRM compatible. Ses moteurs sont animés par de l’air comprimé délivré par un compresseur situé à l’extérieur de la salle IRM. Le temps d’ajustement pour aligner le guide de l’aiguille et la cible est calculé par un logiciel qui pilote le robot. Ce temps est de quelques minutes et la durée du prélèvement est identique à celui d’une biopsie échoguidée. Depuis que nous utilisons le robot pour guider la biopsie sous IRM, nous avons également constaté que la précision du guidage était optimale, notamment pour les lésions de petite taille et situées en avant (Cornud et al., soumis pour publication).
L’IRM avant biopsie : le filtre pour détecter les tumeurs agressives
La valeur prédictive négative très élevée de l’IRM (7) peut être utilisée pour sélectionner les patients en cas d’un taux de PSA élevé pour l’indication de la biopsie.
– Si une lésion PIRADS 4 ou 5 est détectée, une biopsie immédiate est recommandée pour détecter les cancers agressifs.
– En cas de score PIRADS 1 ou 2, le taux de détection un cancer agressif non visible à l’IRM est inférieur à 10%. Il est donc de plus en plus souvent suggéré de différer le prélèvement et de mettre en place une surveillance régulière du PSA. En cas de progression, on peut répéter l’IRM pour détecter l’apparition d’une lésion suspecte.
Cette stratégie peut également s’appliquer à certaines lésions équivoques, score PIRADS 3, mais jugées bénignes sur l’IRM de diffusion dite quantitative (Pierre Th, F Cornud et al, Eur radiol, 2017, sous presse), ce qui évite une biopsie immédiate, dont le risque est de détecter un micro-cancer pour lequel une abstention thérapeutique est recommandée et qui n’a donc pas besoin d’être diagnostiqué. On épargne ainsi au patient l’impact psychologique parfois négatif de l’annonce d’un micro-cancer que l’on va se contenter de surveiller.
Références